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Voyager à l’intérieur de l’Afrique signifie encore trop souvent devoir quitter le continent. Un passager allant de Nairobi à Marrakech doit parfois passer par Paris, un détour révélateur de la fragmentation du ciel africain. Malgré la croissance économique et une demande accrue pour le transport aérien, de nombreuses grandes villes restent mal connectées, obligeant les voyageurs à effectuer des escales longues et coûteuses en Europe ou au Moyen-Orient.
Le problème, expliquent les experts du secteur, réside dans les accords bilatéraux de services aériens conclus entre les pays africains. Ces accords déterminent quelles compagnies peuvent opérer sur quelles routes, empêchant toute véritable concurrence et efficacité transfrontalière. Selon Raphael Kuuchi, de l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), ces restrictions limitent considérablement la liberté de mouvement des compagnies. L’accès au marché est, selon lui, le principal obstacle du secteur.
Pour y remédier, des organisations telles que l’AFRAA, l’Union africaine et la Commission africaine de l’aviation civile militent pour un marché unique africain de l’aviation, inspiré du modèle de l’Union européenne. Celui-ci permettrait à toute compagnie africaine d’opérer librement au sein des pays membres, simplifiant les liaisons, réduisant les coûts et encourageant les investissements dans de nouvelles routes.
L’Association internationale du transport aérien (IATA) estime que le secteur de l’aviation africaine génère environ 75 milliards de dollars d’activité économique et soutient 8,1 millions d’emplois, tout en ne représentant que 2 % du trafic aérien mondial. La Banque africaine de développement identifie un déficit d’investissement de 25 milliards de dollars d’ici 2040, signe d’un marché encore sous-exploité. Selon l’IATA, une libéralisation complète pourrait ajouter près de 4 milliards de dollars au PIB africain et créer plus d’un demi-million d’emplois.
Cependant, la progression reste lente. En Europe, les vols intra-continentaux représentent environ deux tiers des routes, contre à peine un cinquième en Afrique. Les économies d’échelle demeurent un défi majeur. La compagnie sud-africaine à bas coût FlySafair, par exemple, ne possède que 37 avions — bien loin des centaines exploités par ses homologues américains. De nombreuses liaisons entre capitales africaines comptent moins de 100 passagers par jour, un volume insuffisant pour rentabiliser les vols avec des avions standards.
Les coûts d’exploitation, eux, restent très élevés. Le carburant, les taxes aéroportuaires et les frais administratifs sont supérieurs à la moyenne mondiale, tandis que les infrastructures demeurent inégales. Selon Somas Appavou, directeur régional de l’IATA pour l’Afrique, les compagnies africaines dégagent environ 1 dollar de bénéfice par passager, contre 7 dollars dans le reste du monde. Il estime que beaucoup d’États considèrent l’aviation comme une « vache à lait » fiscale, une vision à court terme qui néglige son rôle moteur pour le commerce, le tourisme et l’emploi.
Kuuchi et d’autres acteurs du secteur estiment qu’une meilleure coordination entre les instances régionales et les gouvernements permettrait de rendre la mobilité des citoyens africains plus simple et plus abordable. Mais cette ambition suppose d’harmoniser des dizaines de régulations nationales et d’ouvrir des marchés longtemps protégés — un processus politiquement sensible.
L’ouverture du ciel africain crée de vastes perspectives pour les investisseurs et les entrepreneurs. Les compagnies régionales peuvent s’étendre grâce à des coentreprises et à la location d’avions plus petits adaptés aux routes à faible trafic. Les développeurs d’infrastructures peuvent investir dans la modernisation des aéroports, des terminaux de fret et des centres de maintenance. Les entreprises technologiques ont l’occasion d’introduire des plateformes de réservation, de paiement et d’optimisation des routes adaptées aux réalités locales. La formation des pilotes, ingénieurs et personnels au sol représente un besoin croissant. Les institutions financières peuvent soutenir des mécanismes de leasing et de financement d’aéronefs pour faciliter l’entrée de nouveaux acteurs. Enfin, les projets de carburants d’aviation durables et les installations solaires aéroportuaires offrent un potentiel à la fois écologique et économique. Ensemble, ces initiatives pourraient transformer l’aviation africaine, aujourd’hui fragmentée, en un moteur intégré de développement continental.


